Yves Couasnet
Expert en bruits, acoustique, vibrations
Expert en condensation et humidité

Condensation dans les batiments


I. Etude de cas (Panneaux préfabriqués en béton)



Préalable

Cet exemple d'étude de cas a pour objet d'exposer la méthode d'analyse de risques de condensations dans une paroi de bâtiment selon la référence retenue pour l'application des règles de l'art en France.


1 - Nature des composants de façades préfabriquées

Pour la présente étude de cas, les données communiquées des constituants du mur préfabriqué sont décrits dans la solution 2 bis indiquée dans l’avis technique du panneau de façade, soit :

a)
De l’extérieur vers l’intérieur du panneau

Composants
Epaisseur

G.R.C (parement brut extérieur)
(mortier de ciment armé de fibre de verre)

10 mm
B.I.L
(Béton Isolant Léger de polystyrène Q1)
450 kg/m3
24 mm
Polystyrène expansé moulé en blocs
(Q2, NFT56-201, 13/16kg/m3)
110 mm
G.R.C (intérieur)
(mortier de ciment armé de fibre de verre)
6 mm

Nota 2
(panneaux préfabriqués)

L’avis technique précise les points singuliers des panneaux présentant des ponts thermiques en périphérie des panneaux en raison de la fermeture des panneaux par l’enveloppe en G.R.C, d’ou une discontinuité naturelle d’isolation thermique au droit des joints entre panneaux.

Cette discontinuité d’isolant induit naturellement des surfaces froides sur lesquelles le flux de vapeur d’eau traversant le panneau peut venir se condenser de façon passagère ou semi-permanente selon les conditions hygrothermiques (T°C et HR%) des milieux ambiant aux limites.

L’avis technique du panneau ne prévoit pas l’application en parement extérieur d’un revêtement d’imperméabilisation, seule une peinture peut-être éventuellement appliquée.

Le pontage des joints horizontaux et verticaux des panneaux n’entre pas dans la conception du dossier de l’avis technique du mur de façade.

Le procédé de panneau préfabriqué fait l’objet d’un rapport du CERIB effectuant des essais sur des échantillons de G.R.C prélevés sur des panneaux.


b) Doublage isolant intérieur rapporté

Composants
Epaisseur
Isolant
(Polystyrène expansé moulé, Q2)
20 mm
Parement intérieur
(Plaque de plâtre mince cartonnée, sans pare-vapeur)
10 mm


2 - Revêtement extérieur

Caractérisation du revêtement d’imperméabilisation extérieur mis en œuvre selon les prélèvements de l’I.R.E.F sur le parement en G.R.C du panneau de façade.

Imperméabilisation
(Procédé SICOF -« Hydrofilm armé pigmenté et B 84 »
1,80 mm
Pontage des joints de panneaux
(Procédé SICOF)
 

Nota 1
(revêtement d’imperméabilisation)


Selon le cahier des charges SICOF de mai 1985 et un devis communiqué n°86-724/A du 22/12/86, le procédé se compose essentiellement :


 

  • de résines synthétiques en émulsion pour les couches d’impression et de finition, en phase solvant pour les couches d’accrochage,
  • d’un marouflage d’armature non tissée réf. B 84 en voile de verre

 


Le procédé de revêtement a fait l’objet d’un PV d’essais Véritas n° M 78887/A du 2/07/1973.
Le cahier des charges du procédé SICOF ne précise pas la valeur de la perméabilité à la vapeur d’eau du revêtement appliqué en parement extérieur du GRC


3 - Propriétés du film à la diffusion de vapeur d’eau


Des prélèvements d’échantillons du revêtement extérieur du site effectués par l’I.R.E.F, les mesures de perméabilité à la vapeur d’eau de ce revêtement pris en compte dans l’étude, selon la norme I.S.O n° 77/83-2 du 15/03/1999, donnent les résultats suivants :

 

  • Epaisseur (e) du film en place (2) : 1,80 mm (1800 microns)
  • Flux (g) de vapeur d’eau mesuré : 60 g/m2.24h

 

(2) Le cahier des charges SICOF spécifie une épaisseur inférieure du film, soit 750 à 800 m (0,75 à 0,80mm)

Des caractéristiques mesurées on en déduit les propriétés suivantes du revêtement :

Résistance à la diffusion de vapeur d’eau : e / ¹ = dP / g = 4,40 m2.h.mmHg/g
Perméabilité à la vapeur d’eau : ¹ = 0,00040 g/m.h.mmHg
Perméance à la vapeur d’eau : ¹ / e = 0,227 g/m2.h.mmHg



II- Analyse des risques de condensations


21 - Définitions et notions élémentaires de diffusion de vapeur d’eau



22 - Résistance à la diffusion de vapeur d’eau



23 - Perméabilité (¹) à la vapeur d’eau des matériaux

La perméabilité à la vapeur d’eau d’un matériau est obtenue par la mesure du flux de vapeur d’eau traversant un échantillon soumis à un gradient de pression de vapeur d’eau de 11mmHg actuellement retenu selon la méthode d’essai définie par la norme ISO 77/83-2 (gradient de pression à 23°C produit par d(%)HR = 100% - 50% retenue pour la valeur du flux traversant le film dans la présente étude).
(Nota : 45mmHg dans une enceinte à 38°C/ 90% selon les normes anciennes n° NF N 84-402 et NF T 56-131).

Par pesées successives on mesure ainsi la variation en masse de vapeur d’eau dans une coupelle jusqu’à variation de masse sensiblement constante entre deux pesées successives.

Les valeurs de perméabilité des matériaux résultants de cette méthodologie d’essais et retenues sont celles mentionnées dans les recommandations et documents normatifs français constituants les règles de l’art .


24 - Pression partielle de vapeur d’eau et humidité relative

Les pressions partielles Pi et Pe sont fonction de la pression de saturation de l’air ambiant lié à sa température et au degré d’humidité relative (HR) de l’air, soit :

Pi = Ps (Ti) x HR(i)

PE = PE (Te) x HR(e)

HR(i) et HR(e) exprimée en (%) = Humidité relative de l’air ambiant
HR = degré hygrométrique de l’air (0 à 1)

D’une manière générale la pression partielle de vapeur d’eau exprime l’état de pression absolue de vapeur d’eau de l’air humide et se situe toujours en dessous de la valeur de pression de saturation donnée par le diagramme de l’air humide en fonction des températures.


L’air ambiant se compose d’air sec et d’air humide en phase vapeur d’eau.


Dans les locaux le taux d’humidité absolu de l’air intérieur est principalement lié à la production de vapeur d’eau (individus, activités, cuisine, toilette, présence de plantes, douches, lavage des sols, etc…) et au taux de renouvellement d’air du local en vol.h/h.

L’humidité absolue d’air humide intérieur au local (Wi) en g/m3 comprend l’apport d’humidité extérieure (We) et l’apport intérieur W/n par les occupants et leurs activités, donc toujours supérieure à l’humidité absolue extérieure (We).
Le gradient de pression génère ainsi un flux de vapeur d’eau de l’intérieur des locaux (logements) vers le milieu extérieur à la paroi.

L’humidité relative, à une température donnée, s’exprime de deux manières par :

Le rapport de la pression partielle (PE) à sa pression de saturation (Ps),

HRp (%) = ( PE(Ti) / Ps(Ti) ) x 100

Le rapport de l’humidité absolue de l’air (Wa) à son humidité de saturation (Ws).

HRw (%) = ( WA / Ws ) x 100


25 - Calculs des températures dans les couches




III – Application à l'étude de la paroi (diffusion de vapeur d'eau en régime permanent)


Pressions partielles
extérieure et intérieure

On retiendra les conditions aux limites identiques à celles prises en compte pour les exigences des règles de l’art applicables pour les règles de conception des parois de constructions incluant les conditions climatiques en région parisienne (hors zone très froides), soit :

T(i) = 19°C

T(e) = 0°C
HR(e) = 80% - PE = 3,67 mmHg - We = 3,80 g/m3

La pression partielle intérieure (Pi) ou encore l’humidité absolue intérieur (WI) de l’air ambiant est égale à :

WI = We + W/n
WI = Ps(te) . HRe + (W/n)

W/n : exprime l’apport d’humidité intérieure en fonction des activités de production de vapeur d’eau dans un local et du facteur de renouvellement d'air.

Pour un usage normal des logements (voir norme NF) et dont le renouvellement d’air satisfait à la réglementation, la valeur d’apport de W/n se situe entre 2,5 g/m3 et 5 g/m3 classe les locaux des logements à hygrométrie moyenne.

Considérant l’usage d’un habitat de type logements sociaux collectifs locatifs, pour les calculs il doit être retenu la valeur : W/n = 5 g/m3

WI = 3,80 + 5 = 8,80 g/m3
Pi = 3,67 + 4,90 = 8,57 mmHg

Calcul du flux de transfert de vapeur d’eau
(g) et de chaleur (Phi) traversant le panneau préfabriqué de façade

1er Cas
: (sans revêtement extérieur d’imperméabilisation)



2ème Cas
: (avec revêtement extérieur d’imperméabilisation)



33 – Coefficient de transmission surfacique du panneau (Avis technique)

L’annexe § d ) de l’avis technique n°1/84-514 du panneau donne les valeurs des coefficients de transmission thermique surfacique (1) pour les solutions 1, 2 et 2bis sans aucun revêtement extérieur.
Pour la solution 2bis appliquée à cette étude, les valeurs des coefficients surfaciques sont les suivantes :

Panneau sans doublage isolant intérieur :K = 56 W/m2°C
Panneau avec doublage isolant (20+10) intérieur :K = 33 W/m2°C

Nota (1)

Ces valeurs tiennent compte des liaisons périphériques et de la présence des nervures intérieures en B.I.L , ce qui explique les valeurs de K légèrement inférieures à celles des parties courantes seules résultant de l’étude.

Résistance thermique des panneaux pour la solution 2bis suivant le coefficient de transmission surfacique :
Rt = 1/ K = 1/ 0,33 = 3,03 m2.°C/w

Résistance thermique (Rt) des panneaux en partie courante, incluant les résistances thermiques superficielles et celle de la lame d’air (R = 0,13 m2°C/W) d’épaisseur 10mm environ entre parement intérieur du panneau et doublage intérieur isolant: Rt = 1 / K = 3,79 m2.°C/W.



III – Tableau de synthèse et représentations graphiques


cas 1 : sans revêtement extérieur d’imperméabilisation

Les tableaux ci-dessous indiquent les valeurs des paramètres T(°C), P(mmHg), Ps (mmHg), Rt (m2.°C/w), Rd (m2.h.mmHg/g) obtenus dans la paroi.

1er cas: Parement extérieur brut de G.R.C (sans imperméabilisation)


Calcul des températures T(i) dans les couches de la paroi



Ps (T°C) = Valeurs des pressions de saturation du diagramme de l'air humide

Calcul des pressions partielles P(i) de vapeur d'eau dans les couches de la paroi



Diagramme des pressions partielles de vapeur d’eau dans la paroi



(*) Si Ps-P est négatif ou nul, il y a condensation dans la couche.






Plus l'écart entre Ps-P se rapproche de la valeur 0, plus le risque de condensation de la vapeur d'eau dans le matériau est grand.